CHARLEY JAMES « FUGITIVE DATA »

Enregistrement : 18/11/2019
Rencontre avec le collectif Fugitive Data, par le biais de son fondateur Charley James, dont les fantasmagories invoquent les Mânes de Lovecraft et d'Aleister Crowley, les créatures de Clive Barker et les digressions paranoïaques de Philip K. Dick.

Fondé en 2008, Fugitive Data et l'Institut Créatif Charley James (ICCJ) entendent promouvoir, diffuser et valoriser la peinture numérique, autour de trois axes :

. un magazine ;
. l'édition de livres sur la peinture numérique ;
. des expositions collectives.

Autant de vecteurs de propagation d'un imaginaire à l'écart des sentiers battus et rebattus, résurgence aussi créative qu'algorithmique de lointains âges farouches. Comme l'écho profond de monstres tapis au plus profond de nos machines.

Auteurs des images présentées, selon un ordre alphabétique : images 003 à 006 par Ben Dante, images 007 à 011 par Black Smith, images 012 à 017 par Charley James, images 018 à 022 par Igor Goryunov, images 023 à 025 par Michel Ferrand, images 026 à 029 par Sylvain Roume / Acromega.

Propos recueillis par Laurent Courau.


« Donnée fugitive », un concept qui trouve de plus en plus d’échos dans notre présent et la généralisation de la société de surveillance ; jusqu’à occuper le centre du roman évènement français de cette année, Les Furtifs d’Alain Damasio. Qu’est-ce qui a motivé ce choix de nom pour votre collectif de peintres numériques ?

Éjecter, éructer, éjaculer un nom de collectif, ça ne se fait pas en un jour.
Ça se digitalise, ça se numérise et, ça se connecte, toujours
Un nom de collectif n’est pas une donnée à diffuser à la légère
Ce nom que vous verrez partout en algorithmes passagères
Un nom de collectif, ça ne se fait pas en une heure
Ça se branche, ça se télécharge et s'initialise dans tous les circuits intégrés
Et ne le déboguons pas, c'est surtout ce sobriquet digital qui sera désintégré
Par les critiques de l’art contemporain, ces virus murés dans leur bunker
Un crypto-collectif n'est pas un flux à mémoriser à la légère
Car, - Fugitive Data - est une carte mère et j’y bâtirais ma multiconnexion
Car, - Fugitive Data - est une technologie et j’y bâtirais ton instruction
Toutes ces - Données Fugitives - pour toi et moi sont dans l’air
Et ce nom, on est tous en flux tendu là-dessus, c'est que les cannibales de l’art
contemporain, ces virus furtifs, murés dans leur bunker s'en souviennent.

Outre tes propres oeuvres, nous connaissons le travail de Sylvain Roume pour l’avoir déjà exposé sur La Spirale autour de son projet « DeepDream ». Peux-tu nous présenter rapidement les autres artistes de votre collectif ?

Ben Dante
Les ronds et les carrés de Ben, sautillants pixels à contre-jour
De sa ville de Montpellier, nous racontent ses douleurs sans détour
Son corps maltraité par des succubes minables
Déborde dans son Pixel Art, avec une force impénétrable
Sa vérité pixélisée n'effondrera ni son sourire ni ses entrailles
Car nuit et jour sa main trace une ligne de vie colorée de Samouraï

Black Smith
Attention, Black Smith! il déboule alentour
Ce Lyonnais s’échappe en bolide et pixels battant tambour
Cet as obsessionnel du cercle et des tunnels d’accélération
Nous communique son vertige de la vitesse et ses aliénations
Quand sa conscience l’aveugle sur son compte-tour ami
Il nous revient en noir et blanc avec ses cercles vicieux ennemis

Michel Ferrand
Michel Ferrand, ce parisien en recherche d’ombres
Brûle malaxe et façonne ses pixels dans les décombres
Ses octets les plus tristes sont les plus beaux
Ses algorithmes mélancoliques rayonnent en lambeaux
Ses micro-processeurs lumineux s’accrochent à une bouée de sauvetage
Comme un toxicomane asphyxiant son disque dur avant un reformatage

Igor Goryunov
Igor, 1973, Novokouznetsk, Sibérie connectée à rebours
Igor et son sytème d’exploitation est actuellement à Saint Pétersbourg
Igor pense que la pixelisation restera comme une mémoire
Igor souhaite que ses arborescences insèrent les mises à jour
Igor ignore d’où viennent ses fantasmagories pixelisées
Igor adore les zéro les uns qui rafraichissent ses neurones déphasés

Qu’est-ce qui a motivé Pierre Jamin - alias Charley James - à fonder l’Institut Créatif Charley James, puis le collectif Fugitive Data ?

L'union fait la force
L'excavatrice fait la plasticité
L'académie fait la muséologie
La capitulation fait la terreur
La relique fait l’évocation
La blessure fait l’errance
La puce fait l'archive
La limite fait la sphère
La moyenne fait la statistique
La métaphore fait l'obligation
La misère fait la catharsis
L'union fait la force

Est-ce qu’il existe encore un manque de représentativité de l’art pictural numérique dans les milieux institutionnels et sur le marché de l’art ?

Le collectif - Fugitive Data -
Espère dans les salons d'art maussade
Ressasse dans les salons d'art lucide
Aveugle dans les salons d'art déshonoré
Désespère dans les salons d'art heureux
Déçoit dans les salons d'art amoureux
Rumine dans les salons d'art morose
Méprise dans les salons d'art émouvant
Rêve dans les salons d'art somnolent
Rêve dans les salons d'art débauché
Dédaigne dans les salons d'art nul
Avilit dans les salons d'art incapable
Discrédite dans les salons d'art malpropre
Joue dans les salons d'art cadencé
Chantonne dans les salons d'art acoustique
Décode dans les salons d'art électronique
Initialise dans les salons d'art vectoriel

Est-ce que tu arriverais à donner une tendance, une ambiance, un liant à l’ensemble des artistes réunis au sein de Fugitive Data ? Il me semble retrouver chez la plupart quelque chose de fantastique, a minima un décalage avec la réalité consensuelle…

Le collectif - Fugitive Data - distrait les peintres méfiants
Le collectif - Fugitive Data - rumine les peintres agréables
Le collectif - Fugitive Data - craint les peintres confiants
Le collectif - Fugitive Data - attriste les peintres confortables
Le collectif - Fugitive Data - méprise les critiques d’art
Le collectif - Fugitive Data - désespère les critiques d’art
Le collectif - Fugitive Data - attriste les critiques d’art
Le collectif - Fugitive Data - réconforte les critiques d’art

Entre le printemps 2017 et le mois d’avril 2019, vous avez exposé à Montpellier, Sète et Brême (Allemagne), publié deux numéros de votre revue et quatre hors-séries consacrés à un seul artiste. Un joli score pour une structure naissante. Quels sont vos prochaines aventures en gestation ?

- FugitiveDataLand - est le micro état en formation… son territoire s’étendra sur tous les dégagements de chaleur des disques durs à travers le monde.

Voici ses premières lois :

Manifeste provisoire du « Fugitivisme Dataîste »

Code 1 - Seules des lignes de codes informatiques transmutées par l’électricité doivent être la boue digitale d’où sortiront nos Golems crypto-picturaux. Aucune autre technique ne sera tolérée. Une pensée fugitive pour Nicolas Tesla est fortement conseillée au démarrage du processus Créatif.

Code 2 - Aucune partie du corps humain ne se doit d’être en contact avec l’Oeuvre, excepté au moment de poser le cadre autour.

Code 3 - Toute déformation engendrée par des lignes de codes est obligatoire.

Code 4 - L’artiste s’engage par certificat à ne produire qu’un exemplaire unique de sa création, les séries sont proscrites.

Code 5 - Tout filtrage prédéfini par des lignes de codes est obligatoire.

Code 6 - Toute correction colorimétrique facilitée par des lignes de code prédéfinies est obligatoire.

Code 7 - Toute utilisations de cadres vintages, de textures dites « photographiques » ainsi que de flous en tous genres, engendrés par des lignes de codes est obligatoire.

Code 8 - Toute redondance prédéfinie et calculée grâce au message Céleste de l’Archange Mandelbrot est fortement encouragée.

Code 9 - Toute utilisation de lignes de codes pour ressembler, copier voir surpasser les techniques picturales qui encombrent nos musées, est fortement encouragée.

Code 10 - Aucune matière, minérale, végétale, animale, naturelle ou de synthèse ne doit être employée sous peine d’être exclu de Fugitive Data.

Code 11 - Aucune photo reconnaissable ou identifiable ne doit être employée sous peine d’être exclu de Fugitive Data 2K8x2

Code 12 - Toute utilisation de création d’un tiers, sans son autorisation et sans le créditer, est fortement encouragée, à la condition indispensable qu’elle soit non reconnaissable. Si tel n’était le cas, Fugitive Data ne serait en aucune manière tenu pour responsable devant un tribunal.

Code 13 - Je dois garder le silence et le secret le plus hermétique sur l’Alchimie nécessaire à l’accomplissement de l’Oeuvre. Une pensée fugitive pour Anton Szandor LaVey, est fortement conseillée pour résister aux questionnements intempestifs des admirateurs.

Code 14 - Comme l’énergie noire, je suis libre d’appliquer ou pas les codes précédents ; mon âme en sera meurtrie, ou pas.

Voici son hymne :

PIXEL PRAXIS ET PROSPÉRITÉ

Allons moniteurs de l'Opératrice
Le réseau de diode est cliqué !
Contre nous de la programmeuse
Le mot de passe virtuel est scanné
Entendez-vous dans nos micro-informatiques
Boguer ces variables raccourcis?
Ils viennent jusque dans vos programmes.
Egorger vos paramètres, vos informaticiennes!
Que veut cette horde d'ordinateurs personnels
De claviers, de curseurs périphériques?
Pour qui ces ignobles initialises
Ces codes dès longtemps digitalisés?
LogicielLogiciel, pour nous, ah! quel modem
Quels métamoteurs il doit pirater?
C'est nous qu'on informatise redémarrer
De programmer au téléchargeable DVD!
Aux connexions informatisés
Formez vos histogrammes
Clavardons, piratons
Qu'un utilitaire algorithmique
Abreuve nos développeurs
 ELİF VAROL ERGEN « QUELQUES HISTOIRES DE SORCIERES »
1969-1984 « VINTAGE X-RATED PORNO POSTERS » 
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